Vers une reconnaissance mondiale de la Pierre de Mbigou
L’obtention d’une indication géographique relance le débat sur la valorisation du patrimoine gabonais et la nécessité de renforcer les politiques publiques dédiées.
L e 13 novembre 2025, la Pierre de Mbigou a été reconnue produit à indication géographique par le Comité National des Indications Géographiques (CNIG), une avancée majeure pour l’artisanat gabonais. Cette étape ouvre la voie à une inscription prochaine au patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais elle révèle aussi l’urgence d’une stratégie globale pour valoriser d’autres éléments matériels et immatériels, encore peu visibles à l’international. Les autorités sont interpellées sur la formation, les moyens alloués aux institutions culturelles et le pilotage des procédures d’inscription.
La reconnaissance officielle de la Pierre de Mbigou comme produit à indication géographique constitue un tournant pour l’artisanat gabonais. Ce matériau noble, travaillé depuis des générations par les sculpteurs du Sud du pays, devient désormais un symbole protégé, porteur d’identité et de valeur économique. Le processus, soutenu par l’OGAPI, la COOPAM et les organisations régionales comme l’OAPI, marque une professionnalisation accrue du secteur. Pour les artisans, cette distinction ouvre la perspective de nouveaux marchés et d’une meilleure protection contre les contrefaçons, qui affaiblissent souvent les filières locales.
Pour le gouvernement, cette reconnaissance représente aussi un outil diplomatique et culturel. Le Ministère du Tourisme Durable et de l’Artisanat a salué une étape décisive vers la future inscription de la Pierre de Mbigou au patrimoine mondial de l’UNESCO — un objectif désormais crédible. Cette ambition s’inscrit dans un contexte où le Gabon cherche à diversifier son image internationale, longtemps dominée par la rente pétrolière. La valorisation du patrimoine apparaît ainsi comme un levier majeur de développement touristique et de rayonnement culturel.
Mais cette réussite met en lumière une réalité plus large : de nombreux éléments du patrimoine matériel et immatériel gabonais demeurent insuffisamment valorisés. Danses traditionnelles, savoir-faire vernaculaires, rites communautaires, architectures vernaculaires, objets rituels, forêts sacrées — autant de richesses qui, faute de documentation, de formation ou de politiques adaptées, restent dans l’ombre. Des professionnels du secteur rappellent que l’inscription au patrimoine mondial exige des dossiers complexes, des équipes formées et un suivi institutionnel rigoureux. Or les moyens actuels des ministères concernés et des structures culturelles restent limités.
La question de la formation apparaît ainsi centrale. L’École Nationale d’Art et Manufacture (ENAM), héritière d’un savoir pédagogique essentiel, peine à assumer pleinement sa mission faute de modernisation et de ressources. Renforcer cette institution, tant en équipements qu’en encadrement technique, constitue une étape indispensable pour structurer durablement les métiers d’art. Une montée en compétences permettra non seulement de préserver les savoir-faire traditionnels, mais aussi d’innover, de documenter et de porter des candidatures solides auprès de l’UNESCO.
Au-delà de la pierre de Mbigou, cet élan doit devenir une stratégie nationale. L’État est attendu sur la mise en œuvre de mécanismes pérennes : budgets dédiés, cellules techniques pour monter les dossiers UNESCO, partenariats avec des universités, inventaires actualisés du patrimoine, et implication accrue des communautés locales. En plaçant la transparence, la formation et la valorisation au cœur de ses politiques, le Gabon peut transformer un succès artisanal en un véritable projet culturel national. La Pierre de Mbigou ouvre la voie ; il appartient désormais aux autorités de la transformer en dynamique durable.
